Réconcilier par la parole publique

Marie Yanowitz-Durand et Laurent Riéra, co-présidents de Communication publique  

Laurent Riéra

Directeur de la communication pour la ville et la métropole de Rennes.

Réconcilier n'est pas un slogan opportunément convoqué en temps de crise. C'est un processus fragile et exigeant. Il suppose de reconnaître les erreurs et les blessures du passé, d'assumer lucidement les divergences du présent et de rouvrir des espaces pour les dépasser. Dans un pays traversé par la défiance, la réconciliation est une attente puissante : 88 % des Français considèrent que c'est un enjeu important, et 41 % le qualifient même de prioritaire (baromètre Bona Fidé / France Télévisions, février 2025). Ces chiffres disent tout : il ne s'agit pas d'une option mais d'une nécessité démocratique.

Au cœur de cette attente, un mot s'impose : la considération. Comme l'a rappelé Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, en ouverture des derniers Entretiens de la communication publique, réconcilier c'est reconnaître à chacun une place dans la recherche des solutions. C'est redonner du pouvoir d'agir, à chaque citoyen, dans un contexte où trop souvent les décisions lui semblent s'imposer d'en haut. La communication publique a ici une responsabilité claire : écouter, faire circuler la parole, favoriser la délibération, éclairer les choix collectifs.

La réconciliation ne se joue donc pas seulement dans les institutions politiques. Elle se joue aussi dans la manière dont nous, communicants publics, travaillons avec tous nos collègues de la sphère publique, avec les élus, avec les médias, avec les partenaires du secteur privé. Chaque mot, chaque image, chaque campagne porte une responsabilité : ne pas figer des antagonismes et rouvrir au contraire des possibles, ne pas renforcer la défiance et contribuer à informer clairement et ainsi retisser des liens. Réconcilier, c'est finalement réapprendre à dire « nous ».

Cela suppose de maintenir une parole publique forte, audible, crédible. Communicants publics, nous avons le devoir, avec nos hiérarchies, d'informer avec rigueur, de promouvoir les services publics, de lutter contre le non-recours aux droits. Mais ce devoir va plus loin : il s'agit aussi de donner du sens, de créer des passerelles entre citoyens et institutions, de nourrir l'imaginaire collectif indispensable à toute démocratie vivante.

C'est pourquoi réduire la communication publique à une simple variable d'ajustement budgétaire serait une erreur de perspective. La communication et l'information ne sont ni des coûts accessoires, ni des dépenses somptuaires, elles sont une condition de la démocratie, de son fonctionnement. Les restreindre, c'est fragiliser la capacité de l'État et des collectivités à parler clair, à rendre compte, à construire le lien de confiance qui manque tant aujourd'hui.

Réconcilier par la parole publique n'est pas un luxe. C'est une nécessité, un investissement. C'est à ce prix que nous pourrons, ensemble, réinventer un récit collectif, durable et partagé.